Bruno Vanhove, capitaine des Belgian Bulls, raccroche le masque
Il y a quelques jours, Bruno Vanhove annonçait la fin de sa carrière internationale après plus de 17 années passées sous le maillot des Belgian Bulls et trois participations aux Jeux Paralympiques. Le capitaine de notre équipe de goalball est revenu pour nous sur les moments marquants de sa carrière sportive avant de refermer ce très beau chapitre de sa vie.
Bruno, félicitations pour ta magnifique carrière. Les Belgian Bulls n’ont fait que grandir ces dernières années et en tant que capitaine de l’équipe, tu as certainement pleinement contribué à cette évolution. Pour commencer, peux-tu nous raconter tes débuts et comment es-tu arrivé au goalball ?
J’ai toujours été quelqu’un de très actif. J’ai commencé par faire de la gymnastique, des mouvements de jeunesse, et avec mes frères, on jouait très souvent au foot dans le jardin. C’est vers mes 11 ans que j’ai commencé le torball après avoir eu un contact avec le président du club ViGe Noordzee. Je souhaitais pratiquer un sport dans lequel je pouvais faire des compétitions sans que mon handicap ne me limite. A l’époque, le torball était plus populaire que le goalball.
Un peu plus tard je suis passé au goalball car c’est plus physique que le torball où les matchs sont beaucoup plus courts (2 x 5 minutes et sans jamais arrêter le chrono).
Qu’est-ce qui t’a plu dans ce sport ?
J’ai été fasciné, et le suis toujours d’ailleurs, que le goalball soit un sport créé de toutes pièces pour les personnes mal ou non voyantes. De plus, il s’agit d’un sport très inclusif puisque, comme tous les joueurs portent un masque pour être égaux, c’est un sport qui peut être aussi pratiqué par des personnes dont la vue n’a aucun problème.
Bruno (à droite) avec ses frères
Petit, imaginais-tu devenir athlète de haut niveau et participer aux plus grandes compétitions internationales ? Était-ce un rêve ?
Pour être honnête, je n’ai jamais pensé atteindre le haut niveau donc ça n’était pas un rêve pour l’enfant que j’étais. Ma carrière sportive s’est construite petit à petit. J’avais bien-sûr de l’admiration pour les sportifs Paralympiques, mais ce n’était pas vraiment sur ma bucket list.
Tout s’est déroulé de manière plutôt spontanée. Au début, mon objectif était principalement de m’améliorer. L’équipe nationale est devenue un rêve au moment où c’est devenu quelque chose de réaliste et de plus en plus accessible pour moi.
Peux-tu nous raconter ton premier match avec les Bulls ? Te souviens-tu du score ?
Je suis quelqu’un de super attentif et concentré pendant que je suis sur le terrain, mais après le coup de sifflet final, j’oublie tout, ce dont mes coéquipiers se moquent régulièrement d’ailleurs ! (rires). Je me souviens seulement que j’étais très nerveux avant mon premier match.
Tu as participé à trois éditions des Jeux Paralympiques (Pékin, Londres et Tokyo), que représente cet événement pour toi ?
Je suis très fier de faire partie de cette équipe et d’avoir pu aller aux Jeux les trois fois ! A Pékin, tout était très nouveau et très impressionnant. D’un point de vue sportif ce n’était pas notre meilleure expérience. Avec le recul, je me dis que c’était plus une sorte de répétition générale pour tout ce qui allait suivre ensuite.
Au niveau émotionnel et expérience humaine, les Jeux de Londres sont les meilleurs des trois pour moi. C’était tout près et il y avait nos familles et beaucoup de supporters dans la salle. En plus, nous avions fait un très bon tournoi, même si finalement nous ne terminons qu’à la septième place.
Je décrirais les Jeux de Tokyo comme étant ceux de la « reconnaissance ». J’avoue que j’étais soulagé quand ils ont été reportés d’un an, parce que notre préparation en 2020 était loin d’être idéale, mais l’attente était longue finalement. Lorsque nous sommes montés dans l’avion, je me suis dit « Enfin ! ».
Lors des Jeux de Tokyo tu étais porte-drapeau aux côtés de Michèle George, c’était un moment particulier pour toi ?
Je m’étais demandé qui seraient les porte-drapeaux et je dois dire que c’était un réel honneur pour moi d’avoir été choisi. Comme je le disais, à Tokyo, nous avons eu le sentiment que l’équipe avait plus de reconnaissance, donc le fait qu’un de ses membres porte le drapeau rend la chose encore plus spéciale pour moi.
Quels sont tes plus beaux souvenirs, les meilleurs moments de ta carrière internationale ?
Je dirais nos 2 médailles de bronze. La première à l’Euro de 2017 et ensuite bien-sûr de celle du mondial de 2018 en Suède. Nous nous y sommes qualifiés pour Tokyo grâce à une victoire contre la Lituanie, l’une des meilleures nations au monde. C’est un super souvenir ! Avant 2017, nous avions tellement progressé, mais jamais remporté de médaille. Soyons honnête, remporter des médailles compte vraiment alors que passer à un cheveu, pas du tout ! (rires).
As-tu un petit regret tout de même ?
Le quart de finale à Londres contre le Brésil ! Je me demande comment ce match se serait terminé si nous avions pu garder le 0-0 plus longtemps et si nous avions ainsi dû prendre moins de risques. Le 0-1 a été marqué par une balle entre mes jambes, après que j'ai été brièvement distrait et que j'ai réagi trop lentement... Ça me hante encore aujourd’hui.
Et puis évidemment, j’aurais aimé gagner un quart de finale aux Jeux, mais encore à Tokyo, nous passons juste à côté. Je croise les doigts pour l’équipe à Paris, parce que cela va vite arriver.
En équipe nationale, tu étais parfois accompagné de tes frères Tom et Arne, est-ce un plus pour toi ? Ou de toute façon le fait d’être en équipe était le plus important ?
Pour moi l’équipe est toujours la priorité et l’objectif est de tout faire pour obtenir les meilleurs résultats. Quand je repense au fait que j'ai pu jouer avec mes frères, je trouve évidemment que c’est un plus et certainement une chance. C'est particulièrement spécial de pouvoir dire que nous avons pu vivre une telle expérience ensemble. Mais, comme mentionné précédemment, le sport et l'équipe continuent de prévaloir sur le lien familial. Nous avons vécu les Jeux comme une équipe et pas tellement comme des frères en fait, par exemple.
Depuis le début de ta carrière, as-tu constaté une évolution du handisport ? Penses-tu que le sport puisse être un vecteur d’inclusion ?
Tout au long de ma carrière j’ai joué avec différentes générations et je suis heureux de constater les progrès de l’équipe. La seule chose que je regrette est que la professionnalisation en termes de soutien financier n'ait pas encore eu lieu. Bien-sûr je trouve surtout important qu’il y ait un bon encadrement, des entraineurs (diplômés), du matériel de qualité, etc. Mais les entrainements ont lieu après ma journée de travail (je travaille à temps plein) et ce n’est pas toujours facile à combiner avec le reste.
Je pense que l’attention croissante des médias est une reconnaissance pour le handisport. La route est encore longue, mais il y a clairement une évolution positive. Par exemple, nous devons encore régulièrement expliquer ce qu’est le goalball, mais il est de plus en plus fréquent que les gens connaissent ce sport.
Pour revenir à l'aspect de l'inclusion, le goalball m'a donné l'opportunité de pratiquer un sport de haut niveau. Pour moi, l'inclusion signifie qu'en tant que personne en situation de handicap, vous subissez le moins de restrictions possible dans la société pour pouvoir vous épanouir et réaliser des choses comme les autres (enfants, travail, éducation,...). C’est le plus important et le sport y contribue !
Le chapitre des Belgian Bulls refermé, quels sont tes futurs projets ? Comment vas-tu occuper tout ce temps libre ?
Je vais prendre du temps pour mon fils, pour ma famille et prendre le temps qu’il faut pour réfléchir à la suite. Après tout, le but est justement de faire une pause et ne pas planifier trop de choses ! (rires)
Vas-tu continuer à t’impliquer dans le handisport ?
Je vais de toute façon continuer à jouer en club, mais peut-être que mes entrainements perdront un peu en intensité ! (rires). A côté de cela, j’aimerais effectivement pouvoir m’impliquer dans la professionnalisation du goalball. Dans un premier temps, je pense à la détection, à la visibilité des compétitions, consacrer plus de temps à la représentation des athlètes via la commission dont je fais partie, accompagner les jeunes de mon quartier, etc.
Merci pour ton temps Bruno, nous te souhaitons tout le meilleur pour tes futurs projets. As-tu un dernier mot en guise de conclusion ?
Je souhaite beaucoup de succès aux Belgian Bulls pour leurs prochaines compétitions !